Entre ombre et lumière : rôle crucial des minorités actives.
Plongez au cœur d’un phénomène captivant : l’influence minoritaire. Découvrez comment des minorités audacieuses façonnent les sociétés en introduisant des idées révolutionnaires. Inspiré par les travaux de Serge Moscovici, cet article explore la dynamique entre majorités et minorités, et comment la persévérance d’une minorité peut engendrer un changement profond. Rejoignez-nous dans cette analyse et partagez vos pensées, tout en soutenant notre travail pour plus de découvertes .
Après avoir exploré dans une série d’articles le conformisme de la population, je me propose d’aborder avec vous, le phénomène inverse, celui de l’influence minoritaire.
Dans le conformisme, le groupe va exercer une pression sur l’individu récalcitrant pour le faire rentrer dans la norme. Mais il existe un processus inverse, celui de l’influence que va exercer un individu sur le groupe pour le pousser au changement de la norme. C’est l’influence minoritaire. Ce sont toujours les minorités qui introduisent des idées nouvelles et amènent le changement dans les sociétés.
I. Serge Moscovici et l’influence minoritaire.
Les travaux sur l’influence minoritaire ont été mené par le psychologue social, Serge Moscovici.
Serge Moscovici (1925-2014) est un Juif roumain ayant émigré en France. Il fut psychologue, mais pas seulement. On le retrouve aussi comme historien et théoricien de l’écologie politique. Après avoir obtenu sa thèse en psychologie en 1961, il enseignera à Paris et à New York. C’est le père de l’homme politique Pierre Moscovici. Ancien ministre de l’Economie socialiste et commissaire européen. Comme quoi l’intelligence n’est pas héréditaire.
A. Rapport entre majorité et minorité.
La majorité et la minorité sont deux entités indissociables, dans le sens ou la minorité se définit par rapport à la majorité. C’est facile de comprendre la définition de la majorité. Par contre, cela se complique pour la minorité. Une minorité commence à partir de combien ? Comment se constitue-t-elle ?
1. Définition quantitative de la minorité.
Serge Moscovici, en 1980, va définir la minorité comme une petite fraction, ou un petit nombre d’individus qui partage certaines opinions, certains jugements, certaines valeurs, certains comportements. Ces opinions, jugements, valeurs ou comportements diffèrent toujours de ce que partage la majorité. Un petit nombre est un nombre inférieur à la moitié du total des personnes du groupe majoritaire.
Pour Moscovici, une minorité comporte moins de la moitié d’un groupe et dispose d’une opinion commune. C’est une définition purement quantitative.
2. Définition qualitative de la minorité.
A cette définition quantitative, va s’opposer une définition qualitative défendue par Aebischer et Oberlé dès 1998. Elle était-là pour répondre aux nombreux défauts de la définition de Serge Moscovici. Pour eux, une minorité se juge par rapport à la qualité des moyens dont elle dispose. Moyens en ressources, en pouvoir, en compétence, en légitimité, en prestige.
Cette définition qualitative ne manque pas d’un certain intérêt pour notre époque.
On peut observer (de loin pour moi, n’ayant plus de télé) qu’une seule classe sociale et religieuse pourtant minoritaire en nombre dans la population française (moins de 10%) dispose de tous les moyens médiatiques, politiques, financier pour imposer son opinion. C’est elle qui pousse au conformisme du groupe.
La minorité, pourtant majoritaire en nombre (90%), est marginalisée et tournée en dérision par la majorité. C’est la France des gilets jaunes. Il suffit d’observer le traitement médiatique de la révolte des gilets jaunes, en novembre-décembre 2018, pour le comprendre. Ils ont eu droit a toutes les insultes possibles, fasciste, racistes, antisémites ,etc. Et pourtant… Comme nous allons le voir, la minorité qualitative des gilets jaunes a changé, à influencé, de manière subtile et invisible la majorité qualitative du pays.
Même la gestion catastrophique du corona-virus par le gouvernement est dicté par les gilets jaunes. C’est une lame de fond qui a traversé la France, l’Europe, et même, osons le dire le monde. Le temps est à l’insurrection, à la révolte et à la défiance à l’égard des médias et de la classe politique. Des gilets jaunes fleurissent partout, à Hong Kong, Beyrouth, Berlin, Londres ou Barcelone.
Une chose m’avait beaucoup frappé à l’époque. Ayant moi-même participé aux manifestations sur les Champs Elysée, j’ai constaté une exceptionnelle discordance entre les chiffres donné par les médias et la présence réelle des gilets jaunes sur les lieux. Une exceptionnelle bataille de chiffre, que l’on ne peut comprendre, qu’en prenant en compte les concepts de la psychologie sociale.
Il fallait repousser dans la minorité qualitative, la majorité quantitative du pays. Et à l’inverse faire comme si la minorité qualitative qui dirige la France était en réalité la majorité quantitative. En gros, ceux qui contrôlent le pays et qui sont, dans la réalité, une petite minorité, se sont battu dans les médias pour faire croire qu’il était majoritaire dans le pays. Pourquoi cette intense bataille sur les chiffres ? Pour inciter la population au conformisme et faire cesser la révolte.
C’est une incitation à peine dissimulée pour contraindre à l’obéissance par conformisme. Des psychologues sociaux étaient sans doute à la manœuvre derrière le pouvoir.
B. Moscovici (1969).
1. La méthode.
Comprenons bien le processus en jeu à travers la célèbre expérience de Serge Moscovici en 1969. Il va reprendre la célèbre expérience de Salomon Asch, mais en inversant le processus. Il présente à des groupes de six personnes des diapositives de couleur bleue, mais dont l’intensité lumineuse varie afin de faire varier la perception de la couleur par les sujets. Les individus doivent dire à haute voix la couleur qu’ils ont vue.
Parmi les six sujets, deux sont des complices de l’expérimentateur. Ils sont assis en première et deuxième position, afin de donner en premier la réponse. C’est fait pour influencer la réponse des quatre autres sujets.
Dans une première condition, les deux complices doivent dire de manière constante que la couleur est “verte” (influence consistante). Dans une deuxième condition, ils disent 24 fois que la couleur est verte et 12 fois qu’elle est bleue (influence inconsistante). Une troisième condition, dite contrôle, ne comporte aucun complice.
2. Les résultats.
En condition contrôle (sans compères qui influencent la réponse), seul 0, 25% des sujets répondirent que la couleur était verte.
Pour le groupe “influence inconsistante”, le score de la couleur verte est à peine supérieur à celui du groupe contrôle avec 1,25 %.
En condition d’influence consistante, le score de la couleur verte passe à 32 %.
II. Les conditions de l’influence minoritaire.
Le résultat montre qu’il faut une minorité constante dans sa contestation pour parvenir à influencer la majorité. Cette constance dans la dissidence parvient à mettre en doute la réponse de la majorité. Elle lui montre qu’il existe une alternative auquel la minorité tient beaucoup. Cela provoque un conflit entre majorité et minorité et le seul moyen de sortir du conflit est de tenir compte de l’opinion de la dissidence.
A. La consistance.
Nous avons la première caractéristique de l’influence minoritaire efficace : la consistance.
C’est exactement le processus qui fut engagé contre la majorité qualitative avec la révolte des gilets jaunes. Samedi après samedi, des millions de Français ont manifesté sur les champs Elysées et en province pour revendiquer la prise en compte de sa souffrance. C’est une consistance remarquable qui a sans doute ébranlé la consistance de la majorité qualitative.
On a d’ailleurs vu, après un certain nombre de manifestations, des membres de la majorité qualitative tenter de se rallier aux gilets jaunes. Je pense par exemple à la CGT ou aux trotskistes qui ont rejoint le mouvement, alors qu’au préalable, ils l’avaient critiqué. Je ne suis pas sûr que cette intégration soit une bonne chose pour la révolte. Il y a chez ces gens-là, une alliance objective de classe avec le pouvoir contre le petit peuple. On ne laisse pas entrer impunément son ennemi à l’intérieur de son camp sans en payer les conséquences.
B. L’investissement.
La deuxième caractéristique de l’influence minoritaire, est l’investissement. L’influence sera plus importante si les individus pensent que la minorité est fortement engagée dans un choix libre en poursuivant un objectif quel tient en haute estime. Cela renvoi à la manière dont la minorité est perçut et en particulier son rôle actif ou passif. C’est ce que montre une expérience de Maas et Clark en 1983 réalisé sur l’homosexualité. La minorité LGBT est d’ailleurs un modèle de réussite d’influence minoritaire. On demande à un sujet de faire un résumé d’un débat entre cinq étudiants sur l’homosexualité. Un étudiant est “contre” et quatre “pour”. Huit arguments concernent l’étudiant minoritaire et huit concerne les quatre autres étudiants majoritaires. Chacune des partis défend activement son point de vue, de manière assez radicale. On a donc une minorité active et très investie.
Trois groupes sont organisés :
Un groupe où la majorité est contre l’homosexualité et la minorité est pour l’homosexualité.
Une condition où la majorité est pour l’homosexualité et la minorité est contre l’homosexualité.
Un groupe contrôle, ni pour, ni contre.
Enfin, le sujet doit donner son avis soit publiquement, soit confidentiellement.
On observe que la réponse publique montre l’influence de la majorité, alors que la réponse confidentielle permet la prise en compte de l’avis de la minorité.
Les deux expérimentateurs ont d’ailleurs observé les réactions des sujets lors de la lecture des arguments. Ils ont remarqué que leurs réactions non-verbales permettaient de prédire leurs réponses privées. Je ne répéterais jamais assez que 75 % de notre communication est non-verbale.
Concernant le mouvement des gilets jaunes, il n’est pas besoin d’en faire trois tonnes sur le rôle actif du mouvement. C’est une évidence, même pour ses adversaires.
C. La flexibilité.
La troisième caractéristique de l’influence minoritaire est la flexibilité. Le fait que le message de la minorité est souple et ouvert à la discussion, va rendre plus efficace l’influence de la minorité. Une réplique de l’expérience “bleu-vert” par Nemeth en 1974 a montré l’importance de la flexibilité dans la réussite de l’influence minoritaire. De temps en temps, le compère fera varier sa réponse en fonction de la luminosité de la diapositive. Cela permet de mettre en évidence la nuance de son jugement et sa capacité de négociation.
On observe cela dans le traitement médiatique des gilets jaunes. N’oublions pas que même si les journalistes constituent une majorité qualitative, il n’en reste pas néanmoins une minorité quantitative dans le pays. Parfois, le journaliste intègre une nuance dans son jugement sur les manifestations des gilets jaunes en tenant compte de leurs arguments sur le niveau de vie ou la durée exceptionnelle des manifestations.
Cela permet de rendre plus crédible la critique des gilets jaunes. A l’inverse, quelques gilets jaunes ont eut accès aux médias, trié sur le volet par les journalistes, en particulier pour leurs incultures historiques et politiques afin de discréditer le mouvement auprès du public. Il y a donc la mise en place d’un vaste programme de manipulation mentale fondé sur la psychologie sociale dont il conviendra un jour d’en décrire de la manière la plus complète le mécanisme.
III. Les étapes de l’influence minoritaire sur la société.
L’influence minoritaire permet la conversion de la majorité a ses idées. Elle se déroule en quatre phases :
A. La première phase : la révélation.
Première phase : la révélation.
La minorité émerge et se confronte à la majorité.
Si elle est consistante, active et flexible, elle surmonte les critiques et les obstacles jusqu’à se faire entendre.
La majorité va tenter de discréditer la minorité en l’ostracisant, en la qualifiant de farfelus, d’incompétent, d’extrémiste, etc.
B. La deuxième phase : l’incubation.
Deuxième phase : l’incubation.
Le message minoritaire devient progressivement familier. Il pousse à réfléchir.
La polémique grandit.
Ces messages commencent à se mêler aux opinions majoritaires. Les idées qui étaient choquantes au-début, s’infiltrent petit à petit.
C. La troisième phase : la conversion.
La troisième phase : la conversion.
Après de nombreux doutes, la majorité s’informe sur le point de vue de la minorité. Elle a creusé le sujet et change d’avis de manière intime (pas publiquement). Elle adopte le point de vue minoritaire.
D. La quatrième phase : l’innovation.
La quatrième phase : l’innovation.
Chaque individu reconnaît son changement d’opinion et l’accepte de manière publique. L’opinion minoritaire devient la norme.
C’est la manière pacifique de combattre le système politique et social actuel. Ce n’est qu’une arme parmi d’autres que le mouvement des gilets jaunes à commencé a utiliser. Le délai entre la première phase et la quatrième phase peut prendre plusieurs années, voir plusieurs décennies pour s’accomplir. Les deux premières phases ont été accomplie en deux ans.
IV. Conclusion.
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Au-delà du conformisme politique : Partie 1.